Chacun pour soi et Dieu pour tous...
UNE BONNE ACTION
Quinze ans, seize peut-être. La gamine était provocante.
Comme la plupart des ados de son âge victimes du petit écran, elle ne rêvait sans doute que de castings, et elle s’y préparait : mini-jupe, haut largement décolleté et nombril agressif. La Lolita du troisième millénaire.
Pour l’heure, perdue dans ses songes dorés, elle regardait défiler sans le voir le triste paysage de la banlieue éventrée par le RER. Assis sur la banquette opposée, je l’observais à la dérobée, mais, vaincu par une nuit sans sommeil et malgré le charmant spectacle offert, je m’assoupis.
Une violente bourrade me réveilla en sursaut.
-Dégage mec, c’est ma banquette.
Il était petit et rablé. Les longs cheveux poisseux tombant sur les épaules, les dents jaunes striées de gris, les petits anneaux pendant au sourcil droit et à la lèvre inférieure, le monstrueux serpent tatoué sur le bras gauche, donnaient au personnage un aspect des plus inquiétants. Mais la ceinture jaune de judo que j’avais récemment conquise de haute lutte m’incitait à ne pas céder à la frayeur.
-Pourquoi justement cette banquette ? le wagon est presque vide.
Effectivement, à cette heure creuse, les voyageurs étaient rares.
-Et alors ? Moi c’est ici que j’ veux m’ poser, alors cass’ toi, bouffon !
Je me préparais à lui faire remarquer combien son ton était peu amène et ses façons discourtoises, lorsque deux autres loubards, que je n’avais pas vus, m’empoignèrent chacun sous un bras et me précipitèrent à terre, au milieu de la travée centrale.
Je me relevai aussitôt, prêt à me ruer sur eux. J’avais compris qu’ils ne s’intéressaient pas à moi mais à la petite Lolita des banlieues. Mon devoir m’ordonnait de prendre sa défense, mais ma raison me fit valoir qu’à un contre trois j’avais peu de chance d’arracher la mignonne à la tournante qui se préparait. Je devais trouver du renfort.
Un homme se tenait près de la porte, tournant le dos à la scène.
-Monsieur, lui dis-je, il y a au bout du wagon trois loubards qui s’en prennent à une minette et ...
-C’est des Blacks ou des Ratons ?
-Ni l’un ni l’autre, pourquoi ?
-Comme ça, je me comprends. Et alors ?
-Et alors si on n’y va pas tout de suite, ils vont la violer, la fille.
-Mon jeune ami, répondit le beauf, cette histoire me peine énormément. Moi aussi je lutte contre ce genre d’agression chaque fois que je le peux. Mais là, malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous aider, je descends à la prochaine.
La rame venait de stopper. Il sauta sur le quai et se précipita vers la sortie, tandis qu’un homme arborant la rosette de la Légion d’Honneur montait dans le wagon. Je lui exposai le problème.
-Mon jeune ami, je suis heureux de rencontrer un Français qui n’a pas perdu le sens des valeurs. Je vous félicite, mais, à mon grand regret, je ne puis vous être d’aucun secours car une insuffisance cardiaque m’interdit tout effort.
Je me demandai quel genre d’effort lui avait valu la rosette lorsque j’aperçus, assis sur une banquette proche, un voyageur lisant son journal.
-Monsieur, Monsieur !
-Qu’est-c’qu’y s’passe ? demanda l’interpelé en se levant.
Bâti comme un lutteur de foire, il devait avoisiner les deux mètres. Avec un pareil allié, la fille était sauvée.
-Il se passe qu’au bout du wagon trois loubards s’en prennent à une minette ...
-Ouais, et alors ?
-Alors ils vont la violer si on ne lui porte pas secours rapidement.
-Possible, mais c’est pas ça qui va m'faire chialer. J’ l’ai vu monter tout-à-l’heure, la p’tite nana, avec les nibards presque à l’air et la jupette au ras d'la touffe. Attifée comme ça, c’est pas étonnant si elle a des problèmes. Si tu veux mon avis, elles le cherchent ces salopes. Ca devrait être interdit d’exciter les mâles comme ça. Si on les foutait toutes en cabane, y aurait plus d’ problème, voilà c’ que j’ dis.
Il se rassit et reprit sa lecture.
C’est alors que je vis le gendarme.
-Monsieur le gendarme ...
-Brigadier-Chef !
-Brigadier-Chef, vous tombez à pic, j’ai besoin de votre aide.
-Si je peux faire quelque chose, vous pouvez compter sur moi.
Enfin un représentant de l’ordre public ! Et gradé de surcroît.
Je lui exposai rapidement la situation en insistant sur l’urgence de son intervention. Il écouta attentivement, me fit préciser quelques détails et, otant sa casquette sans doute pour mieux se pénétrer de l’urgence du cas soumis à son appréciation, il déclara :
-Croyez bien que je regrette cet ... incident, mais je ne peux rien faire malheureusement, j’ai fini mon service. Cependant, soyez assuré que je ferai dès demain matin un rapport circonstancié qui, par la voie hiérarchique, arrivera sur le bureau du commandant en moins d’une semaine.
Mon respect de l’uniforme me fit ravaler la bordée d’injures qui me montait aux lèvres, d’autant plus qu’un homme bien mis se dirigeait vers moi.
-Monsieur, implorai-je, en agrippant son bras, aidez-moi !
-Mon pauvre ami, je comprends votre détresse et je compatis. Il ferait beau voir que je m’esquivasse, que je me dérobasse à mon devoir de solidarité et que je vous abandonnasse à votre triste sort, tenez !
Il me tendait une pièce d’un euro.
-Mais non, m’énervai-je, il ne s’agit pas de cela. Une fille est en train de se faire violer et ...
-Oh, sorry ! moi Américain, moi pas comprend rien, s’excusa le spécialiste du subjonctif en passant son chemin.
Il ne restait plus qu’un voyageur auquel je ne m’étais pas adressé. Assis sur un strapontin, il fixait le bout de ses chaussures et rougit lorsque je m’approchai de lui. Un timide. Avant même que je lui adresse la parole, il chuchota en fuyant mon regard :
-J’ai tout entendu, monsieur, et je suis révolté. Mais je ne peux pas vous aider, j’ai trop peur. Je ne supporte pas la bagarre, surtout avec des loubards de cet accabit. Ils vous trucident un homme comme ils fument un joint et il vaut mieux se tenir à distance. Je sais ce que vous pensez, monsieur, vous pensez que je suis un lâche et ... et vous avez raison.
Celui-là avait au moins le mérite de la franchise, mais ça me faisait une belle jambe. Là-bas il était plus que temps d’intervenir, peut-être même était-il trop tard. Moi aussi j’avais peur, s’il faut parler franc, mais je ne pouvais pas me résigner à abandonner Lolita à ses agresseurs. Je ne me le serais jamais pardonné.
Je suis donc retourné sur le lieu du drame, j’ai défendu la fille tout seul et … je me suis fait casser la gueule.
Comme la plupart des ados de son âge victimes du petit écran, elle ne rêvait sans doute que de castings, et elle s’y préparait : mini-jupe, haut largement décolleté et nombril agressif. La Lolita du troisième millénaire.
Pour l’heure, perdue dans ses songes dorés, elle regardait défiler sans le voir le triste paysage de la banlieue éventrée par le RER. Assis sur la banquette opposée, je l’observais à la dérobée, mais, vaincu par une nuit sans sommeil et malgré le charmant spectacle offert, je m’assoupis.
Une violente bourrade me réveilla en sursaut.
-Dégage mec, c’est ma banquette.
Il était petit et rablé. Les longs cheveux poisseux tombant sur les épaules, les dents jaunes striées de gris, les petits anneaux pendant au sourcil droit et à la lèvre inférieure, le monstrueux serpent tatoué sur le bras gauche, donnaient au personnage un aspect des plus inquiétants. Mais la ceinture jaune de judo que j’avais récemment conquise de haute lutte m’incitait à ne pas céder à la frayeur.
-Pourquoi justement cette banquette ? le wagon est presque vide.
Effectivement, à cette heure creuse, les voyageurs étaient rares.
-Et alors ? Moi c’est ici que j’ veux m’ poser, alors cass’ toi, bouffon !
Je me préparais à lui faire remarquer combien son ton était peu amène et ses façons discourtoises, lorsque deux autres loubards, que je n’avais pas vus, m’empoignèrent chacun sous un bras et me précipitèrent à terre, au milieu de la travée centrale.
Je me relevai aussitôt, prêt à me ruer sur eux. J’avais compris qu’ils ne s’intéressaient pas à moi mais à la petite Lolita des banlieues. Mon devoir m’ordonnait de prendre sa défense, mais ma raison me fit valoir qu’à un contre trois j’avais peu de chance d’arracher la mignonne à la tournante qui se préparait. Je devais trouver du renfort.
Un homme se tenait près de la porte, tournant le dos à la scène.
-Monsieur, lui dis-je, il y a au bout du wagon trois loubards qui s’en prennent à une minette et ...
-C’est des Blacks ou des Ratons ?
-Ni l’un ni l’autre, pourquoi ?
-Comme ça, je me comprends. Et alors ?
-Et alors si on n’y va pas tout de suite, ils vont la violer, la fille.
-Mon jeune ami, répondit le beauf, cette histoire me peine énormément. Moi aussi je lutte contre ce genre d’agression chaque fois que je le peux. Mais là, malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous aider, je descends à la prochaine.
La rame venait de stopper. Il sauta sur le quai et se précipita vers la sortie, tandis qu’un homme arborant la rosette de la Légion d’Honneur montait dans le wagon. Je lui exposai le problème.
-Mon jeune ami, je suis heureux de rencontrer un Français qui n’a pas perdu le sens des valeurs. Je vous félicite, mais, à mon grand regret, je ne puis vous être d’aucun secours car une insuffisance cardiaque m’interdit tout effort.
Je me demandai quel genre d’effort lui avait valu la rosette lorsque j’aperçus, assis sur une banquette proche, un voyageur lisant son journal.
-Monsieur, Monsieur !
-Qu’est-c’qu’y s’passe ? demanda l’interpelé en se levant.
Bâti comme un lutteur de foire, il devait avoisiner les deux mètres. Avec un pareil allié, la fille était sauvée.
-Il se passe qu’au bout du wagon trois loubards s’en prennent à une minette ...
-Ouais, et alors ?
-Alors ils vont la violer si on ne lui porte pas secours rapidement.
-Possible, mais c’est pas ça qui va m'faire chialer. J’ l’ai vu monter tout-à-l’heure, la p’tite nana, avec les nibards presque à l’air et la jupette au ras d'la touffe. Attifée comme ça, c’est pas étonnant si elle a des problèmes. Si tu veux mon avis, elles le cherchent ces salopes. Ca devrait être interdit d’exciter les mâles comme ça. Si on les foutait toutes en cabane, y aurait plus d’ problème, voilà c’ que j’ dis.
Il se rassit et reprit sa lecture.
C’est alors que je vis le gendarme.
-Monsieur le gendarme ...
-Brigadier-Chef !
-Brigadier-Chef, vous tombez à pic, j’ai besoin de votre aide.
-Si je peux faire quelque chose, vous pouvez compter sur moi.
Enfin un représentant de l’ordre public ! Et gradé de surcroît.
Je lui exposai rapidement la situation en insistant sur l’urgence de son intervention. Il écouta attentivement, me fit préciser quelques détails et, otant sa casquette sans doute pour mieux se pénétrer de l’urgence du cas soumis à son appréciation, il déclara :
-Croyez bien que je regrette cet ... incident, mais je ne peux rien faire malheureusement, j’ai fini mon service. Cependant, soyez assuré que je ferai dès demain matin un rapport circonstancié qui, par la voie hiérarchique, arrivera sur le bureau du commandant en moins d’une semaine.
Mon respect de l’uniforme me fit ravaler la bordée d’injures qui me montait aux lèvres, d’autant plus qu’un homme bien mis se dirigeait vers moi.
-Monsieur, implorai-je, en agrippant son bras, aidez-moi !
-Mon pauvre ami, je comprends votre détresse et je compatis. Il ferait beau voir que je m’esquivasse, que je me dérobasse à mon devoir de solidarité et que je vous abandonnasse à votre triste sort, tenez !
Il me tendait une pièce d’un euro.
-Mais non, m’énervai-je, il ne s’agit pas de cela. Une fille est en train de se faire violer et ...
-Oh, sorry ! moi Américain, moi pas comprend rien, s’excusa le spécialiste du subjonctif en passant son chemin.
Il ne restait plus qu’un voyageur auquel je ne m’étais pas adressé. Assis sur un strapontin, il fixait le bout de ses chaussures et rougit lorsque je m’approchai de lui. Un timide. Avant même que je lui adresse la parole, il chuchota en fuyant mon regard :
-J’ai tout entendu, monsieur, et je suis révolté. Mais je ne peux pas vous aider, j’ai trop peur. Je ne supporte pas la bagarre, surtout avec des loubards de cet accabit. Ils vous trucident un homme comme ils fument un joint et il vaut mieux se tenir à distance. Je sais ce que vous pensez, monsieur, vous pensez que je suis un lâche et ... et vous avez raison.
Celui-là avait au moins le mérite de la franchise, mais ça me faisait une belle jambe. Là-bas il était plus que temps d’intervenir, peut-être même était-il trop tard. Moi aussi j’avais peur, s’il faut parler franc, mais je ne pouvais pas me résigner à abandonner Lolita à ses agresseurs. Je ne me le serais jamais pardonné.
Je suis donc retourné sur le lieu du drame, j’ai défendu la fille tout seul et … je me suis fait casser la gueule.
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RIEN NE PRESSE
Courons sans précipitation
Pour éviter les maladresses,
Agissons avec précaution,
Tout est urgent, mais rien ne presse
Lorsque la famille attablée
Dîne en regardant la télé,
Il n’est rien de plus agaçant
Que le spectacle désolant
De ces peuples dans la détresse
Qui nous lancent des SOS.
Vraiment, le journal de vingt heures
Manque au plus haut point de pudeur,
Epargnez-nous tous ces messages
Entre la poire et le fromage,
Attendez au moins, je vous prie,
Que la table soit desservie
Courons sans précipitation
Pour éviter les maladresses,
Agissons avec précaution,
Tout est urgent, mais rien ne presse
D’ailleurs ces questions nous dépassent,
Que voulez-vous que l’on y fasse ?
Gageons que nos gouvernements
Vont réagir rapidement,
Qu’ils vont provoquer des rencontres,
Peser le pour, peser le contre,
Envoyer des observateurs
Choisis parmi les gens de cœur,
Etablir de savants rapports,
Se concerter un peu encore,
Et d’avis en consultations,
Ne pas trouver de solution.
Courons sans précipitation
Pour éviter les maladresses,
Agissons avec précaution,
Tout est urgent, mais rien ne presse
Bien sûr c’est triste un enfant mort,
Et cent, et mille plus encore,
Mais contre la fatalité,
Qui serait de force à lutter ?
Si c’est la volonté divine
D’envoyer là-bas la famine,
Que peuvent donc faire les hommes,
Sinon chanter les Te Deum ?
Alors, Messieurs les trouble-fête,
Enfoncez-vous bien dans la tête
Que « seule digestion béate
Peut faire exploser l’audimat »
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RIEN NE PRESSE
Courons sans précipitation
Pour éviter les maladresses,
Agissons avec précaution,
Tout est urgent, mais rien ne presse
Lorsque la famille attablée
Dîne en regardant la télé,
Il n’est rien de plus agaçant
Que le spectacle désolant
De ces peuples dans la détresse
Qui nous lancent des SOS.
Vraiment, le journal de vingt heures
Manque au plus haut point de pudeur,
Epargnez-nous tous ces messages
Entre la poire et le fromage,
Attendez au moins, je vous prie,
Que la table soit desservie
Courons sans précipitation
Pour éviter les maladresses,
Agissons avec précaution,
Tout est urgent, mais rien ne presse
D’ailleurs ces questions nous dépassent,
Que voulez-vous que l’on y fasse ?
Gageons que nos gouvernements
Vont réagir rapidement,
Qu’ils vont provoquer des rencontres,
Peser le pour, peser le contre,
Envoyer des observateurs
Choisis parmi les gens de cœur,
Etablir de savants rapports,
Se concerter un peu encore,
Et d’avis en consultations,
Ne pas trouver de solution.
Courons sans précipitation
Pour éviter les maladresses,
Agissons avec précaution,
Tout est urgent, mais rien ne presse
Bien sûr c’est triste un enfant mort,
Et cent, et mille plus encore,
Mais contre la fatalité,
Qui serait de force à lutter ?
Si c’est la volonté divine
D’envoyer là-bas la famine,
Que peuvent donc faire les hommes,
Sinon chanter les Te Deum ?
Alors, Messieurs les trouble-fête,
Enfoncez-vous bien dans la tête
Que « seule digestion béate
Peut faire exploser l’audimat »
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LA SOLIDARITE
A ceux qu’ont perdu leur étoile,
Ceux qu’la vie prend à rebrouss’-poil,
A tous ceux qui n’ont pas eu d’veine,
J’offre un p’tit morceau de la mienne.
Quand sur mon ch’min j’croise un paumé
Que c’putain de monde a plumé,
Pour pleurer j’lui prêt’ mon épaule
Et j’lui fais un’ plac’ dans ma piaule.
Mais pour éviter les méprises,
Il faut quand mêm’ que je vous dise :
Je joue les bons samaritains,
Mais je n’ai pas l’âme d’un saint.
Quand on me botte le derrière,
Ca m’rend furieux, je vous l’avoue,
Excusez-moi, Révérend Père,
Si je ne tends pas l’autre joue.
Je veux pas d’mal à mon prochain,
J’aime en bloc tout le genre humain,
Les gens m’attir’ et m’intéressent,
J’réponds à tous les SOS,
Je tends la main à l’inconnu
Rencontré au hasard des rues
Et je n’refus’pas un sourire
Pour fair’ naître un autre sourire.
Mais pour éviter les méprises,
Il faut quand mêm’ que je vous dise :
Je joue les bons samaritains,
Mais je n’ai pas l’âme d’un saint.
Quand on me botte le derrière,
Ca m’rend furieux, je vous l’avoue,
Excusez-moi, Révérend Père,
Si je ne tends pas l’autre joue.
J’aim’ le mot « solidarité »
Mais pas celui de « charité » :
On jette un’ pièce à un’ pauvresse
Avant de se rendre à confesse
Et on détourn’ vite les yeux,
C’est trop triste les malheureux.
Moi, si j’peux donner qu’un kopek,
J’offre un peu de mon cœur avec
Dans une franch’ poignée de main.
L’indifférence, c’est pas humain,
Et si un proverb’ me courrouce
C’est « chacun pour soi, Dieu pour tous »
A ceux qu’ont perdu leur étoile,
Ceux qu’la vie prend à rebrouss’-poil,
A tous ceux qui n’ont pas eu d’veine,
J’offre un p’tit morceau de la mienne.
Quand sur mon ch’min j’croise un paumé
Que c’putain de monde a plumé,
Pour pleurer j’lui prêt’ mon épaule
Et j’lui fais un’ plac’ dans ma piaule.
Mais pour éviter les méprises,
Il faut quand mêm’ que je vous dise :
Je joue les bons samaritains,
Mais je n’ai pas l’âme d’un saint.
Quand on me botte le derrière,
Ca m’rend furieux, je vous l’avoue,
Excusez-moi, Révérend Père,
Si je ne tends pas l’autre joue.
Je veux pas d’mal à mon prochain,
J’aime en bloc tout le genre humain,
Les gens m’attir’ et m’intéressent,
J’réponds à tous les SOS,
Je tends la main à l’inconnu
Rencontré au hasard des rues
Et je n’refus’pas un sourire
Pour fair’ naître un autre sourire.
Mais pour éviter les méprises,
Il faut quand mêm’ que je vous dise :
Je joue les bons samaritains,
Mais je n’ai pas l’âme d’un saint.
Quand on me botte le derrière,
Ca m’rend furieux, je vous l’avoue,
Excusez-moi, Révérend Père,
Si je ne tends pas l’autre joue.
J’aim’ le mot « solidarité »
Mais pas celui de « charité » :
On jette un’ pièce à un’ pauvresse
Avant de se rendre à confesse
Et on détourn’ vite les yeux,
C’est trop triste les malheureux.
Moi, si j’peux donner qu’un kopek,
J’offre un peu de mon cœur avec
Dans une franch’ poignée de main.
L’indifférence, c’est pas humain,
Et si un proverb’ me courrouce
C’est « chacun pour soi, Dieu pour tous »