Des mots, encore des mots...

Publié le par Robert Ezdra


LES  MOTS  CREUX

J’en connais qui n’ont rien à dire,
Pourtant ils le disent si bien
Que personne ne pourrait dire
Que vraiment ils ne disent rien.
Les mots jaillissent de leur bouche
En un dégoulinant bagout,
Et leurs airs de Sainte Nitouche
M’inspirent un profond dégoût

Je ne veux pas, Messieurs, entrer dans votre jeu,
Me boucher les oreilles et me fermer les yeux,
Votre navrant discours est stéréotypé,
Vos cartes sont truquées et vos dés sont pipés,


Ils sont hommes de politique,
De finance ou je ne sais quoi,
Et ils ont le verbe magique
Et le ton, à défaut de foi.
Dispensant la bonne parole,
Ils jurent en levant la main,
Coiffés d’une sainte auréole,
Que chanteront les lendemains,
Qu’enfin c’est le bout du tunnel
Et qu’on va sortir de l’ornière,
Messieurs, prêtez-moi vos jumelles,
Dans les miennes, pas de lumière.
Je vois du gris, je vois du noir,
Des hommes au bout du rouleau,
Couchés à même le trottoir
Ou sur des bancs, dans le métro.

Je ne veux pas, Messieurs, entrer dans votre jeu,
Me boucher les oreilles et me fermer les yeux,
Votre navrant discours est stéréotypé,
Vos cartes sont truquées et vos dés sont pipés,
 

Il faudrait accepter son sort,
Puisque votre discours nous dit :
Promis juré, après la mort,
Nous irons tous au paradis.
Bêlons en cœur dans le troupeau,
Sous la houlette protectrice
De ceux qui savent que leurs mots
Ne sont que placébos complices.

Je ne veux pas, Messieurs, entrer dans votre jeu,
Me boucher les oreilles et me fermer les yeux
Votre navrant discours est stéréotypé,
Vos cartes sont truquées et vos dés sont pipés,


J’en connais qui ne croient en rien,
Rejetés par la Société,
Ils errent de rues en chemins,
On a volé leur dignité.
Oui, j’en sais qui n’ont rien à faire,
Dont on peut attendre le pire :
Un jour ils voudront faire taire
Ceux qui vraiment n’ont rien à dire.


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LES  MOTS  QUI  RIMENT

Ce matin je me suis offert
Un gros manuel de rimes
Du dernier millésime
Et battant aussitôt le fer,
J’ai mis en vers une chanson
Sur un air de musette
Que m’avait mis en tête
Le gazouillis de mon pinson.
Ca se présentait plutôt bien,
Les paroles rimaient :
Jamais et mois de mai,
Jour et amour, bien et vaurien

Mais tous ces mots qui riment
Ne sont que frime
Quand ils n’expriment
Que des sentiments plats
Et sans éclat,
Du bla bla bla.


Je trouvais ternes mes sonnets ;
Comment parler d’amour
Après Charles Aznavour,
Chanter la mer après Trénet,
La montagne quand vient l’automne
Mieux que le fait Ferrat,
Et mieux que Barbara
Cet aigle noir que j’affectionne ?
Qui pourrait mettre en ritournelle
L’homme et la société,
La femme et l’amitié
Mieux que Ferré, Brassens ou Brel ?

Car tous ces mots qui riment
Ne sont que frime
Quand ils n’expriment
Que des sentiments plats
Et sans éclat,
Du bla bla bla.


Et j’en oublie, et j’en oublie,
Maître illustrissimes
Et auteurs anonymes
Que sans me lasser je relis,
Des poètes de tous les âges,
Troubadours et trouvères,
Aragon et Prévert,
Qui m’ont laissé en héritage
Le goût de la phrase bien faite.
C’est sans doute pourquoi
Il m’arrive parfois
D’oser ces rimes imparfaites.


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LA  PUISSANCE  DU  VERBE

On me dit que les mots dont je fais grand usage
Pour tenter quelquefois d’exprimer des idées,
Ne sont qu’inconvenant et fastidieux verbiage
Qui lasse les oreilles à la fin excédées.

On me dit que mieux vaut, plutôt que de parler,
D’écrire ou de chanter des refrains décevants,
Accepter le destin à tout jamais scellé
Puisque les mots s’envolent comme feuilles au vent

Faut-il, devant le joug qui fait ployer l’échine
De l’homme qu’asservit le pouvoir de l’argent,
Garder la bouche close et faire bonne mine
En feignant d’ignorer ce monde d’indigents ?

On me dit qu’aujourd’hui danser la Carmagnole
Ne serait que rumeurs et gesticulations,
Et que nul n’entend plus les puissantes paroles
Des tribuns qui poussaient tout un peuple à l’action.

Si la révolution armée n’est plus de mise,
Sur un autre terrain la bataille se joue :
Pour desserrer enfin l’intolérable emprise,
Je prétends que les mots peuvent porter des coups.

Ils semblent inutiles, puérils ou anodins,
Mais sont porteurs d’idées qui lentement mûrissent,
Qui enflent, prennent corps et se fraient un chemin
Jusque dans les consciences  qui tout-à-coup frémissent

Et peu à peu les mots que beaucoup croyaient vains,
Sans but et sans portée, inconsistants et pâles,
Pénètrent les esprits car ils sont le levain
D’une autre humanité et d’un autre idéal.

Publié dans SOCIETE

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R
NADIIIIINE !<br /> <br /> J'essaie en vain de cliquer sur ton "site web".<br /> La réponse est toujours : Ce blog n'existe pas.<br /> Que faire ?<br /> <br /> Robert
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S
Je ne suis pas certaine que le temps estompe les maux, mais les mots libérent les maux....<br /> merci.
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C
Ton dernier texte rejoint finalement assez celui que j'ai écrit sur la liberté de la presse car si l'on y réfléchit,si ce ne sont que des mots,comment se fait-il que l'on cherche parfois à les étouffer?<br /> Les mots ne s'envolent pas,ils restent gravés et si c'est justement ce qui fait leur force.
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R
J'adhère mon cher ami, mon semblable, à de si justes propos... Et si les hommes qui ont le moins à dire, se démultiplient sur la toile ce n'est que pour accroître le vide sidéral de notre société commerçante!<br /> Mais le poète se doit de demeurer à la juste hauteur du fanal de son art, qui éclaire mais ne succombe pas, qui ouvre la porte et ne s'enferme pas...<br /> Liberté du mot, émotions de l'âme, puissance des rimes... <br /> La justice lui sera faite un jour au crépuscules des fâts et des vaniteux!<br /> <br /> Amitié
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B
BRAVO !
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